Confrontés à des périodes de sécheresse de plus en plus fréquentes, les éleveurs doivent adapter leurs pratiques afin de maintenir leur sécurité fourragère. Certains leviers, tels que la diminution du taux d’élevage, l’optimisation du pâturage de printemps ou l’introduction de nouvelles cultures ont un impact à l’échelle de la campagne, tandis que d’autres mesures porteront leurs fruits à moyen terme.

Le changement climatique est marqué par une alternance d’épisodes extrêmes plus fréquents, et notamment une sécheresse plus prononcée.

Les conséquences sur la gestion de l’herbe sont aujourd’hui perceptibles : la pousse de l’herbe démarre plus tôt, les rendements printaniers sont généralement plus importants, puis on constate un déficit estival plus ou moins net du fait des fortes chaleurs et, selon les années, on peut parfois profiter d’une reprise de végétation à l’automne avec une qualité variable. Les projections climatiques laissent présager que ces tendances vont s’accentuer dans les années à venir.

Luzerne et cultures dérobées

« Il existe plusieurs leviers d’adaptation pour les éleveurs laitiers, souligne Audrey Lardereau, ingénieure réseau à la Chambre d’Agriculture du Doubs, par exemple, concernant les fourrages, il est possible de cultiver des légumineuses comme la luzerne ou d’implanter des cultures dérobées comme le moha, le sorgho ou le millet. La culture de ces espèces s’est bien développée dans le Doubs ces dernières années, en particulier la luzerne, plante intéressante car résistante à la sécheresse ». Par ailleurs, un semis en association, par exemple avec du dactyle, permet d’assurer une certaine stabilité du rendement.

Des essais sur les cultures dérobées ont été réalisés à Guyans Vennes, visant à améliorer le renouvellement des prairies temporaires destinées à être ensuite emblavées en céréales, ou ressemées en prairie. Cette technique alternative, testée depuis 2012, prévoit deux semis au

cours de la même année : un retournement anticipé, fin mai, de la prairie temporaire, suivi d’un semis d’une dérobée fourragère estivale, puis un nouveau semis en septembre-octobre d’une prairie ou d’une céréale. La culture dérobée pourra alors être valorisée au pâturage, en vert, séchée en grange, voire andainée et récoltée en foin. « Dans le Doubs, la valorisation de ce type 

de cultures dérobées est facilitée par la présence de séchage en grange, qui rend la récolte beaucoup moins dépendante des conditions météorologiques ». Et la comparaison de la production fourra- gère en été, permet notamment de mettre en évidence un rendement moyen supérieur pour la culture dérobée (sur 31 parcelles ou bandes suivies entre 2012 et 2022) : la prairie temporaire maintenue en place en été a un rendement moyende1,4tdeMS/ha(regain), contre3,5tdeMS/ha pour une culture dérobée. Toutefois, il existe une variabilité importante de la valeur fourragère selon l’espèce, les conditions climatiques, le stade physiologique de récolte, le mode et la chaine de récolte.

Profiter à plein de la pousse printanière

Concernant les prairies, plusieurs pistes d’adaptation sont également possibles, comme : sursemer ou aérer des prairiespermanentes, adapter les variétés d’une prairie multi-espèces et mieux valoriser laressource pastorale. « Il est important d’optimiser le pâturage de printemps afin de libérer le maximum de surface en première coupe pour sécuriser les systèmes fourragers tout en bénéficiant du pâturage. C’est dans cette optique que les éleveurs font de plus en plus de «pâturage dynamique» ces dernières années. » Cela permet d’adapter la surface offerte à la croissance de l’herbe observée.

Taux d’élevage et chargement

Enfin, les éleveurs ont la possibilité de jouer sur le levier du chargement en réduisant le cheptel, par la diminution du taux d’élevage destiné au renouvellement. « On observe une diminution des effectifs de génisses ces dernières années dans le Doubs. C’est un levier à court terme, plus rapide à mettre en place pour les éleveurs, que celui des fourrages ou des prairies. Par ail- leurs, l’utilisation de semences croisées et du génotypage permet de limiter le nombre de génisses élevées et de les sélectionner plus tôt. Dans les faits, on observe aujourd’hui dans le Doubs un taux moyen d’élevage à 30 %, contre 50 % il y a quelques années. Ce levier est intéressant à la fois sur le plan économique et sur l’optimisation de l’utilisation des fourrages ». Diminuer le nombre d’animaux improductifs permet à la fois de réduire le chargement, de sécuriser les stocks fourragers, et de libérer de la surface de pâturage.

Il est également possible de diminuer le poids relatif des animaux improductifs en adaptant la conduite des génisses à un objectif de vêlage précoce. Une manière efficace de soulager le bilan fourrager, mais qui impose de revoir entièrement les pratiques d’élevage (croissance des génisses, surveillance et mise à la reproduction…).